- Mai 2025
- Sylvestre VERNIER
Dans une vie de forestier, il est des projets qui marquent et des projets qui vous enrichissent, techniquement comme humainement.
Et que dire, si ce n’est que dans ce projet de charbonnière porté par la maison du Salève, il y a eu un peu de tout cela. D’abord, parce que nous avons eu la chance de nous y intégrer avec les étudiants depuis le début de la démarche, c’est-à-dire la coupe du bois en forêt, jusqu’à l’aboutissement du projet, c’est-à-dire le départ de la maison avec des sacs de charbon locaux.
Aussi, parce que derrière ce projet, cela a permis de renouer avec ce qui a fait l’histoire de nos forêts et ces hommes ou ces femmes qui, depuis 5000ans, ont vécu comme des marginaux, en marge de la société et au cœur des forêts pour transformer le bois en charbon et le rendre plus facilement transportable, à l’époque dans des sacs de tilleul pour une utilisation qui se faisait dans les 30 km et dans les forges ou les verreries. C’était une vie rudimentaire, dans des cabanes de terre, de branchages, de bois ou de pierres sèches, du printemps à l’automne et pendant toute la saison de charbonnage, et c’est un peu de cela et de cette ambiance que nous avons perçu, même si les conditions étaient bien meilleures. Car après avoir monté la meule, l’avoir recouverte de paille puis de terre, et l’avoir allumée, il a fallu, durant quatre jours, surveiller le charbonnage et vérifier, jour et nuit, l’absence de trous et de « cheminées » sur la meule (pour éviter les appels d’air et une combustion trop forte), intervenir à la moindre alerte en remettant un peu de paille ou de terre, vérifier la poursuite normal de la combustion ou même la constance de la couleur de la fumée qui peut servir d’indicateur du charbonnage.
Plus encore, ce fut un moment unique parce que derrière ce projet, il y a d’abord eu de l’humain, et un projet collectif qui a permis de se faire rencontrer Sandrine, archéologue passionnée, inspirée et inspirante, toujours de bonne humeur malgré la fatigue, Lisa et Arianne, en thèse sur le charbonnage, contente d’expliquer le but de leur recherche et ici de mener une expérience de dessication du bois, Estelle, Aurore, Fred et les autres employés de la maison du Salève ou du syndicat Mixte du Salève, qui font vivre ce lieu extraordinaire où tant de choses innovantes se font et qui arrivent à mettre l’environnement comme point d’entrée d’un territoire devenant de plus en plus urbains, et les étudiants, qui ont acceptés de donner de leur temps, s’impliquant le temps d’un chantier forestier ou ici pour passer la nuit à surveiller le charbonnage et sans jamais rechigner à la tâche… Les discussions ont été aussi belles que le projet, les souvenirs resteront à jamais et maintenant nous pourrons le dire : à défaut d’avoir garder les cochons ensemble, nous aurons ensemble surveiller le charbon…
Et est-ce parce qu’une nuit de surveillance et la fatigue rendent les choses plus intenses ? Est-ce parce que le feu, la chaleur et la fumée ont toujours ce côté fascinant d’une invention qui a permis à l’humanité de survivre et de se développer ? Est-ce parce qu’en renouant avec ce passé forestier, nous avons retrouvé nos racines ? Est-ce parce qu’avec Sandrine ou Estelle et le temps d’un repas partagé ou d’une veille nocturne, nous avons refait l’histoire de la forêt ou des animations en environnement ? Est-ce encore parce que ce projet avait la beauté d’un collectif uni et soudé vers un même but ? Ou est-ce simplement parce que tout cela a fonctionné et que 600 kg de charbon ont été fait à partir de 6 à 8 stères de bois environ comme jadis… On ne le saura pas vraiment et tout cela s’est en fait mélangé pour faire de ce projet un projet extraordinaire dont on se souviendra longtemps et qui s’inscrit dans les choses rares et uniques faites en BTSA GF temps plein à l’Iseta.
De fait, un grand merci à Sandrine d’Hevea et à Lisa et Arianne mais surtout un grand merci à la maison du Salève de nous avoir intégré dans ce si beau projet et d’avoir permis que cette semaine-là, en Haute-Savoie, le petit peuple de la forêt se reforme autour d’une meule et de ses anciens savoirs.
Quant à la sa suite, ce sera cet automne et toujours avec la maison du Salève qui va poursuivre cette reconstruction de l’histoire de nos paysages avec des charbons qui vont servir à produire du fer comme cela se faisait dans le Salève ou des scories, résidus solides d’oxydes de fer qui s’accumulaient autour des fours, nous rappellent l’existence de cette activité.